Lettre à ma grand-mère emportée par le corona virus

Grand-mère,

Tu ne comprends pas le français, je le sais. J’en suis désolée, mais c’est la langue que je maîtrise le mieux. Et j’ai besoin de maîtriser la langue avec laquelle je t’écris, pour trouver les mots, pour être capable de te les dire.

Cela faisait déjà des mois que tu ne sortais pas, ce n’était pas dans tes habitudes. Et pourtant, il a fallu que ce virus te rattrape… Comme quoi on n’échappe pas à son destin…

À l’hôpital, parce que tu te fatiguais vite, seules trois visites journalières étaient autorisées. C’est d’abord ton mari et tes enfants qui t’ont vue, puis tes petits enfants. Je suis désolée Grand-mère, je n’ai pas eu le courage de venir te voir tout de suite… C’était que, la dernière fois que je t’ai vue, mon frère et moi avions fait les courses pour toi. Tu as alors tendu les bras et tu m’as dit “viens là, que je te serre dans mes bras !”. Je t’ai dit “désolée Grand-mère, j’ai peur de te donner le virus. Mais promis, une fois la crise passée, tu me prendras dans tes bras et on se fera des bisous à n’en plus pouvoir !”.

Le jour de mon anniversaire, j’avais décidé de venir te voir. Je t’aurais dit : “Regarde Grand-mère, c’est avec toi que j’ai décidé de fêter mes dix-neuf ans !”. On aurait parlé de choses belles et heureuses, toi et moi…

Mais je n’ai pas pu. Tu es décédée cette nuit-là, à deux heures du matin. Tu sais, depuis des jours, je n’arrivais pas à dormir avant le petit matin, mais cette nuit-là, j’ai dormi, peu après minuit. Peut-être que Dieu voulait que je prenne des forces pour surmonter la nouvelle… Qui sait? Ma tante dit que tu as attendu vendredi, le jour saint pour nous, ton jour préféré… Te connaissant cela ne m’étonnerait pas…

Ce jour-là, le plus difficile pour moi n’était même pas de consoler ma mère, – ta fille est très forte, tu sais – mais de répondre à tous ces “Joyeux anniversaire” que je recevais. Mais il reste un jour heureux pour moi. Parce que c’est le jour où je suis née et que tu as retrouvé la paix et as rejoint les anges.

Pardonne-moi, de t’avoir refusé ces câlins.

Enise, Montigny-lès-Cormeillesé

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